Les contradictions d'une végane ou l’art de chercher la petite bête…
créé le 2025-05-15 - lu 57 fois - 5 commentaires

Chloé a 28 ans, un tote bag « plant based queen », un chat qui s'appelle Tofu, et une conviction chevillée à l’âme : elle ne participe à aucune souffrance animale.
Elle se lève chaque matin le cœur léger, persuadée d'être du bon côté de l’Histoire. Mais aujourd’hui, on va l’observer de près. Très près.
7h32 – Réveil éthique
Le réveil de Chloé sonne. Elle s'étire, caresse Tofu, puis file à la salle de bains. Un petit coup de démaquillant végan, une crème « cruelty-free » (à base de bave d’escargot, mais elle ne lit pas l’étiquette trop en détail), et surtout, son rouge à lèvres préféré : un beau rouge profond, carmin E120. Fabriqué avec amour, et 70 000 cochenilles écrasées par kilo. Bio, bien sûr.
Mais bon, ça ne crie pas, une cochenille.
8h10 – Petit-déj sans cruauté (ou presque)
Chloé adore ses matins. Elle se prépare une bonne tartine de pain au levain (merci les levures, micro-organismes exploités à mort dans l’indifférence générale), qu'elle tartine généreusement de miel. Elle sait que certains végans n'en consomment pas, mais elle, elle a lu sur un forum que « tant qu'on les respecte, les abeilles ne souffrent pas ». Ce forum vendait aussi des bougies à la cire d’abeille, d’ailleurs.
Elle croque dans sa tartine. Une bouchée de pain, un soupçon de culpabilité, mais avec du thé vert, ça passe.
10h00 – Shopping local (et un peu mortel)
Sur le marché, elle choisit de jolies figues bio. Elle ignore (heureusement) que certaines contiennent les restes digérés d’une guêpe fécondatrice morte. La nature est une chose sale, mais poétique.
Elle prend aussi un peu de maquillage « artisanal ». Elle aime les perles. Elle ne réalise pas qu’elles sont le produit du stress immunitaire d’un mollusque perforé à la main. Mais c’est joli. Et « fait main ».
14h00 – Pause bien-être
Après son yoga, elle prend un complément alimentaire à base de chitosane. Elle ne sait pas ce que c’est. Juste que ça « capte les graisses naturellement ». Personne ne lui a dit que c’était extrait de carapaces de crevettes. Personne ne lui dira. Et elle se sent plus légère.
17h15 – Milite en ligne
Chloé poste un long message sur Instagram pour dénoncer la cruauté de l’industrie laitière. Son téléphone est chargé par une batterie contenant des composants testés sur des animaux en laboratoire. Mais elle l'ignore, et c’est sûrement mieux ainsi.
20h00 – Dîner veggie, ambiance bio
Chloé prépare un risotto aux légumes. Tous issus de l’agriculture biologique. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que le bio aussi tue. Pas les grosses bêtes à cornes, non. Mais des milliers d’insectes : coccinelles, pucerons, vers, nématodes. Certains agonisent dans la terre pour que ses courgettes soient parfaites.
Mais ce n’est pas sa faute. Elle veut juste bien faire.
22h30 – Coucher serein (avec un cadavre dans le ventre)
Chloé s’endort paisiblement, bercée par une méditation sonore sur l’amour universel. Dans son estomac, la guêpe de la figue digérée lentement fait ses adieux à la lumière du monde.
Tofu ronronne sur ses pieds. Lui aussi est carnivore, mais ça, Chloé ne veut pas y penser.
Morale de l’histoire ?
Chloé est sincère. Elle est bien intentionnée. Et comme beaucoup, elle est prise dans un monde où la frontière entre le vivant, le mort, l’acceptable et l’invisible est floue.
Tu veux être végane ? Très bien. Mais ne le sois pas pour juger les autres. Sois-le en sachant que toi aussi, parfois, tu marches sur des fourmis en pensant marcher vers la lumière.
Parce que dans la grande marmite de la vie, tout le monde est au menu de quelqu’un.