Le chapon
C'est aux Romains que l'on doit l'invention du chapon. En effet, en 162 avant
Jésus-Christ, une loi interdit la consommation de poules grasses afin
d'économiser le grain, mais les éleveurs eurent vite fait de
contourner cette agaçante prescription en castrant de jeunes coqs qui,
subissant le sort des eunuques, devinrent ainsi deux fois plus gros! Le chapon était
né.
Au Moyen Age, il fut réservé à la noblesse et à la
cour royale, la tradition voulant que les serfs et les manants n'élèvent
un chapon que pour l'offrir à leur seigneur en signe d'allégeance à l'occasion
des fêtes de fin d'année. Et si Rabelais fit de Gargantua un croqueur
invétéré de chapons, le 14 juillet 1789 faillit purement
et simplement faire disparaître de nos tables ce symbole de la gourmandise
féodale.
Il y eut ensuite des métayers qui continuèrent a l'élever
pour le compte de propriétaires terriens mais, à plusieurs reprises,
son coût de production fut à deux doigts de le rayer définitivement.
C'est à notre époque, alors que les poulets ont depuis longtemps
quitté la campagne pour l'élevage en batterie, que les fermiers
landais - qui ont toujours élevé leurs volailles en totale liberté -
ont décidé de relancer le chapon. Installé dans des cabanes,
ayant un libre accès à la forêt landaise, le chapon se
nourrissant principalement d'insectes est castré à l'âge
de six semaines sous anesthésie partielle, effectuée par des
spécialistes placés eux-mêmes sous contrôle vétérinaire.
Le futur chapon est ensuite rendu à sa forêt et essentiellement
nourri à base de maïs et de vitamines selon la tradition ancestrale
pendant les cinq mois où il va se développer. Environ un mois
avant les fêtes, le chapon est mis dans des abris protégés
de la lumière et des intempéries afin d'éviter déplacements
et stress. Durant cette période, nourri à partir de produits
lactés, dans le calme, il s'engraisse délicatement, non pas en
se surchargeant d'adiposité, mais en persillant ses muscles. Ce processus
d'élevage devant être scrupuleusement respecté si l'on
veut obtenir un véritable chapon pesant entre 2 et 2,5 kg. Volatile
du privilège, le chapon est préparé de fin mai à septembre.
Par le moelleux de sa chair et la délicatesse de son goût, arrivé à terme,
il ne demandera plus qu'à être servi cuit à la broche ou
en cocotte, truffé ou non, le soir du réveillon.