Les sorbets
D'une histoire d'amour entre la glace et le fruit naquit le sorbet. L'origine
de cette savoureuse alliance ne date pas d'hier: à l'aube de notre civilisation,
Chinois et Arabes connaissaient déjà les entremets glacés
et les califes de Bagdad consommaient des sirops refroidis dans la neige, qu'ils
appelaient "sharbet". Ce sharbet, qui devint sorbet, fut de tout
temps apprécié. Par ses estafettes, Néron faisait descendre
des montagnes de la neige, qu'il mélangeait à du miel, de l'eau
de rose, de la résine ou des fruits.
Bien plus tard, de retour d'Orient, Marco Polo rapporta, entre autres merveilles,
les premières vraies recettes de glaces ainsi qu'un procédé de
refroidissement ne faisant plus appel à la neige. Cette révolution
culinaire permit de fabriquer des glaces à l'eau, qui connurent un succès
immédiat en Italie. Il faudra néanmoins attendre le XVIème
siècle pour que la France découvre à son tour les plaisirs
de la glace.
Venue de Florence pour épouser Henri II, Catherine de Médicis
débarqua accompagnée d'une puissante armée de cuisiniers,
pâtissiers et d'un certain Senior Buentalenti, glacier royal, qui très
vite émerveilla les palais délicats de la cour de France. En
1660, un autre Italien, Procopio di Coltelli, ouvrit le premier café parisien:
Le Procope. La glace cessa d'être un plaisir de roi pour s'offrir à la
gourmandise du peuple de Paris.
A cette époque apparurent également les premiers mélanges
réfrigérants à base de sel et d'eau. La glace put enfin être
conservée et dégustée en toute saison. Enfin, le XIXème
siècle vit l'avènement de la pasteurisation et de l'homogénéisation.
La glace se fabrique maintenant, le plus souvent, de manière industrielle.
On le voit, la métamorphose de la pulpe délicate des fruits,
en friandises glacées, a de tout temps modifié l'univers des
douceurs. Effaçant saisons et frontières, le sorbet, aujourd'hui,
nous entraîne dans une farandole de saveurs et de couleurs où les
fruits du monde entier jouent les premiers rôles. Plaisirs du verger,
goût de l'exotisme, il nous rappelle en janvier l'acidité fruitée
de la framboise, nous désaltère en été par la magie
d'un agrume givré et, se prêtant au jeu de notre gourmandise,
se conjugue merveilleusement à tous les temps de la fantaisie pour donner à nos
desserts un air de fête ou un grain de douce folie.